Article publié dans 7Officiel – Mardi 9 décembre 2014 – N°1722

ECHANGES INTRA-UNION EUROPEENNE : le futur régime de la TVA se dessine aujourd’hui

La Commission a publié, le 30 octobre 2014, un document[1] présentant les différentes options pour la réforme du régime de la TVA appliquée aux échanges intra-UE.

La taxe sur la valeur ajoutée a été inventée par la France en 1954. En 1967, les États membres ont convenu de remplacer leurs systèmes nationaux de taxes sur le chiffre d’affaires par un système commun de TVA. Depuis lors, la TVA a été introduite dans près de 140[2] pays à travers le monde.

Dans le cadre du régime en place depuis plus de 20 ans, les livraisons de biens transfrontaliers effectuées dans l’Union sont exonérées de la TVA, tandis que les achats effectués à l’intérieur de l’Union sont taxés dans l’État membre d’acquisition.

En 2008, les recettes de la TVA représentaient 21,4% des recettes fiscales des États membres de l’Union européenne (cotisations sociales comprises), soit une hausse de 12 % par rapport à 1995[3]. Il s’agit donc d’une source de recettes considérable pour les budgets nationaux et de la source principale de revenus pour certains Etats membres.

La crise économique et financière entraîne un recul marqué des recettes provenant des impôts directs et des taxes sur la propriété, de sorte que la part des recettes de la TVA dans le total des recettes fiscales va encore s’accroître.

Plusieurs États membres ont récemment relevé leurs taux de TVA ou envisagent de le faire, que ce soit en réponse à la nécessité d’assainir leurs finances née de la crise ou dans le contexte d’un basculement à plus long terme de la fiscalité directe vers la fiscalité indirecte. Ce basculement peut s’expliquer par l’efficacité des taxes à la consommation, cette dernière constituant une base plus large et plus stable que les bénéfices et les revenus, ce qui permet l’application de taux plus bas, d’apparence plus indolore.

Complexité du système actuel

Le système de TVA actuel opère une distinction entre, d’une part, les opérations réalisées entre assujettis (opérations d’entreprise à entreprise) et, d’autre part, les opérations effectuées en faveur du consommateur final (opérations d’entreprise à particulier).

Pour les opérations d’entreprise à entreprise (B2B), le principe général consiste à appliquer le taux et les conditions d’imposition de l’État membre de destination (là où les biens arrivent ou, dans le cas des services, où le preneur a établi le siège de son activité économique), le preneur ou l’acquéreur payant la TVA au Trésor. Du fait de ce système, les livraisons de biens et prestations de services sont traitées différemment selon qu’il s’agit d’opérations nationales ou d’opérations intra-UE. Cette distinction est source de complexité et de vulnérabilité à la fraude[4].

Les opérations d’entreprise à particulier sont normalement imposées dans l’État membre où s’effectue la vente de biens ou dans lequel le prestataire est établi.

La complexité des règles en matière de TVA se traduit par des lourdeurs administratives pour les entreprises. La gestion de la TVA représente près de 60% de la charge globale mesurée dans treize domaines prioritaires que la Commission a recensés dans le cadre de l’initiative «Mieux légiférer»[5].

Selon les entreprises, cette situation diminue l’attrait de l’Union européenne pour les investisseurs[6].

Certains éléments clés du système, comme les obligations, la déductibilité et les taux, sont notamment source de préoccupations. Celles-ci peuvent être particulièrement vives pour les PME, qui n’ont pas toujours les moyens de faire appel à des experts fiscaux pour les guider dans l’application de règles de TVA sans cesse plus complexes.

A ce titre, le rôle primordial des entreprises dans la perception de la TVA doit être reconnu à sa juste valeur, car la TVA est une taxe sur la consommation, non sur les entreprises. Or, les coûts liés au respect des règles de la TVA représentent pour les entreprises de l’Union européenne une charge administrative considérable dont la réduction contribuerait fortement à accroître la compétitivité.

Le fait que les opérations nationales et intra-UE restent traitées différemment en termes de TVA entrave la libre circulation des biens et services intra-union européenne.

Cette situation est aggravée par l’existence, dans la législation relative à la TVA, de nombreuses options et dérogations pour les États membres, qui font que les règles appliquées varient à travers l’Union.

Une adaptation du régime s’impose donc, en vue de favoriser le commerce européen tout en réduisant les coûts induits pour les PME, liés au respect des règles et à la perception.

Après de multiples consultations politiques et techniques, il est apparu à la Commission européenne qu’un système fondé sur le lieu d’origine est irréalisable.

Les raisons invoquées pour rejeter l’imposition dans l’État membre d’origine sont les suivantes:

1- Une forte harmonisation des taux de TVA serait nécessaire pour que les différences de taux n’influencent pas le choix du lieu d’achat, non seulement en ce qui concerne les particuliers, mais aussi pour les entreprises, car, même si, pour elles, la taxe est déductible en fin de compte, le paiement de la TVA pèse sur leur trésorerie. On notera toutefois à cet égard qu’une certaine convergence des taux de TVA normaux a été observée au cours des dernières années.

2- Un système de compensation est nécessaire pour que l’on puisse garantir que les recettes de la TVA reviennent à l’État membre de consommation. Les nouvelles technologies de l’information, qui n’existaient pas encore lors des discussions précédentes, permettraient aujourd’hui de surmonter cet obstacle.

3- Les États membres dépendraient les uns des autres pour la perception d’une partie importante de leurs recettes provenant de la TVA.

Au vue de ces obstacles, il a été convenu que tout régime définitif devra reposer sur le principe de destination, c’est-à-dire que la TVA sera due au lieu de destination des biens.

La principale caractéristique de l’imposition au lieu de destination réside dans le fait que les recettes de la TVA reviennent directement à l’État membre de consommation, selon les propres taux et exonérations de celui-ci, ce qui permet de contourner les principales objections à l’imposition au lieu d’origine.

Néanmoins, ce système peut être conçu et mis en œuvre de multiples façons pour les livraisons de biens d’entreprise à entreprise (B2B). Le document publié le 30 octobre 2014 par la Commission expose les cinq options jugées envisageables :

1- le fournisseur serait chargé de facturer et de payer la TVA, et les livraisons seraient taxées en fonction du lieu de destination des biens;

  • 2- le fournisseur serait chargé de facturer et payer la TVA, et les livraisons seraient taxées en fonction du lieu d’établissement du client;
  • 3- le client, et non le fournisseur, serait redevable de la TVA, et la taxation aurait lieu à l’endroit où est établi le client (autoliquidation);
  • 4- le client, et non le fournisseur, serait redevable de la TVA, et la taxation aurait lieu à l’endroit où les biens sont livrés;
  • 5- le statu quo serait maintenu, moyennant quelques modifications.

La Commission procède actuellement à une évaluation approfondie afin de déterminer l’incidence de chacune des options pour les entreprises et les États membres. Sur la base de ses conclusions, elle présentera au printemps 2015 des pistes envisageables pour l’avenir.

Maud GENESTE
Avocat

Lire l’article en pdf Union Européenne : le futur régime de TVA

[1] Le document peut être consulté à l’adresse suivante (sous l’action n°25, section « Suivi de communication »):

[2] OCDE, Consumption Tax Trends 2008, VAT/GST and excise rates, trends and administrative issues p. 23.

[3] Taxation trends in the European Union, édition 2010, annexe A, tableaux 7 et 8.

[4] Etude 2009 sur l’écart de TVA intra-UE lié à la fraude :  https://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/common/publications/studies/vat_gap2012.pdf

[5] COM(2009) 544 du 22.10.2009, «Programme d’action pour la réduction des charges administratives dans l’UE. Plans sectoriels d’allègement et actions pour 2009», études relatives aux mesures

[6] Note de synthèse de Businesseurope du 20 octobre 2009 relative à un partenariat pour un système de TVA juste et efficace.