Pour la première fois, le Conseil constitutionnel consacre un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains, pouvant justifier des "atteintes à la liberté d’entreprendre".
Le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le paragraphe IV de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi Egalim).
Ces dispositions interdisent, à compter du 1er janvier 2022, la production, le stockage et la circulation en France des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l'Union européenne, en raison de leurs effets sur la santé humaine, la santé animale ou l'environnement. Elles font ainsi obstacle non seulement à la vente de tels produits en France mais aussi à leur exportation. Au nombre des produits dont il s'agit figurent, notamment, des herbicides, des fongicides, des insecticides ou des acaricides.
Deux organisations professionnelles soutenaient que cette interdiction d'exportation était contraire à la liberté d'entreprendre.
Dans sa décision rendue le 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel affirme, pour la première fois, qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de protection de la santé avec l'exercice de la liberté d'entreprendre. A ce titre, le législateur est fondé à tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l'environnement à l'étranger.
Il juge que, par les dispositions contestées, le législateur a entendu faire obstacle à ce que des entreprises établies en France participent à la vente de tels produits partout dans le monde et donc, indirectement, aux atteintes qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l'environnement. Ce faisant, et quand bien même la production et la commercialisation de tels produits seraient susceptibles d'être autorisées en dehors de l'Union européenne, l'atteinte qu'il a portée à la liberté d'entreprendre est bien en lien avec les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l'environnement.
Le Conseil constitutionnel relève en outre que l'entrée en vigueur au 1er janvier 2022 des dispositions contestées laisse aux entreprises concernées un délai d'un peu plus de trois ans pour adapter en conséquence leur activité.
Il conclut que, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'entreprendre et les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de la santé.
- Communiqué de presse du Conseil constitutionnel du 31 janvier 2020 - "Décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020 - Communiqué de presse" - https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2019-823-qpc-du-31-janvier-2020-communique-de-presse
- Conseil constitutionnel, 31 janvier 2020 (décision n° 2019-823 QPC) - https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2019823QPC.htm
- Code rural et de la pêche maritime, article L. 253-8 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000037562348&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20200131&fastPos=2&fastReqId=1853570327&oldAction=rechCodeArticle
- Constitution du 4 octobre 1958 - https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Constitution-du-4-octobre-1958
- Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 - https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789