Le juge territorialement compétent pour statuer sur une mesure d’instruction avant tout procès est le juge susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées, sans qu’une clause attributive de compétence territoriale puisse être opposée à la partie requérante.
Par un protocole du 20 juin 2012, une société a cédé ses actions dans une autre société au profit d’une troisième. Cinq mois plus tard, la société cédée a été mise en liquidation judiciaire.Soupçonnant avoir été victime de détournements d’actifs opérés au profit de la société cessionnaire et ayant dévalorisé sa participation et sa créance en compte courant, la société cédante a obtenu du président du tribunal de commerce de Nanterre, statuant sur requête, une ordonnance désignant un huissier de justice en vue de réaliser des mesures d’investigation dans les locaux de la société cédée, situés à Houlgate (Calvados).Estimant que le président saisi était territorialement incompétent, en application de la clause attributive de compétence insérée dans le protocole du 20 juin 2012, la société cessionnaire a assigné la société cédante en rétractation de l’ordonnance, puis relevé appel de l’ordonnance ayant rejeté son exception d’incompétence.
La cour d’appel de Versailles a rétracté l’ordonnance sur requête.Les juges du fond ont d’abord rappelé les termes de la clause attributive de juridiction en cause et énoncé que ce type de clause était valable entre commerçants, en application de l’article 48 du code de procédure civile.Ils ont constaté que, dans sa requête, la société cédante exposait que les mesures d’instruction sollicitées visaient à révéler les détournements opérés par la société cessionnaire et pourraient fonder une action pour dol et en responsabilité, afin d’obtenir la réparation de son préjudice.Ils en ont déduit que le protocole du 20 juin 2012 se trouvait au coeur du litige, quelle que soit l’ancienneté des détournements dénoncés, de sorte qu’il était vain, pour la société cédante de se référer aux dispositions de droit commun pour considérer que le siège social de la société cédée devait fonder la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre, et qu’il ne pouvait être soutenu que la clause attributive de juridiction n’avait pas vocation à s’appliquer, dès lors qu’il s’agissait d’un litige auquel “donne lieu le contrat” et qui en est “la suite” ou “la conséquence”, au sens de cette clause.
Le 13 septembre 2017, la Cour de cassation censure ce raisonnement au visa des articles 42, 46, 145 et 493 du code de procédure civile.Elle rappelle que « le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées, sans qu’une clause attributive de compétence territoriale puisse être opposée à la partie requérante ».En l’espèce, la clause attributive de compétence territoriale était inopposable à la société requérante.
– Cour de cassation, chambre commerciale, 13 septembre 2017 (pourvoi n° 16-12.196 – ECLI:FR:CCASS:2017:CO01116), société Appelton Miller capital c/ société X. et a. – cassation de cour d’appel de Versailles, 28 janvier 2016 (renvoi devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée) – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000035572306&fastReqId=1166916462&fastPos=1
– Code de procédure civile, article 48 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006410147&cidTexte=LEGITEXT000006070716&dateTexte=20170929&fastPos=4&fastReqId=199764170&oldAction=rechCodeArticle
– Code de procédure civile, article 42 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006410140&cidTexte=LEGITEXT000006070716&dateTexte=20170929&fastPos=4&fastReqId=1634402520&oldAction=rechCodeArticle
– Code de procédure civile, article 46 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006410145&cidTexte=LEGITEXT000006070716&dateTexte=20170929&fastPos=4&fastReqId=1026330556&oldAction=rechCodeArticle
– Code de procédure civile, article 145 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006410268&cidTexte=LEGITEXT000006070716&dateTexte=20170929&fastPos=3&fastReqId=1687748792&oldAction=rechCodeArticle
– Code de procédure civile, article 493 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006428182&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20170929&fastPos=2&fastReqId=2092459589&oldAction=rechCodeArticle