Saisi de la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, le Conseil constitutionnel valide son article incriminant la provocation à abandonner un traitement médical ou à adopter certaines pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique mais censure comme cavalier législatif son article 2.Article mis à jour le 10 mai 2024.
Le 16 novembre 2023, un projet de loi (n° 111) visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires a été présenté en Conseil des ministres et déposé au Sénat.Composé de sept articles répartis en cinq chapitres, il dote l’Etat de nouveaux outils et leviers juridiques en vue de combattre plus efficacement les dérives sectaires.
Ainsi, il crée un délit propre en vue de réprimer, en plus de l’abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique déjà existant, le fait même de placer une personne dans un tel état ou de l’y maintenir, par l’exercice direct de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement, quand cette situation aboutit à une dégradation grave de la santé ou conduit la victime à des agissements qui lui sont gravement préjudiciables. Dans le même esprit, une circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique est introduite au sein de code pénal pour plusieurs délits, notamment les meurtres, actes de torture et de barbarie, violences sur mineurs ou personnes vulnérables et les escroqueries.
Le texte permet par ailleurs aux associations de lutte contre les dérives sectaires qui seront agréées à cette fin par l’Etat de se constituer partie civile dans les procédures judiciaires relatives aux infractions en lien avec les pratiques sectaires.
Le projet de loi permet aussi de réprimer la provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins, ainsi que la provocation à l’adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon, cette abstention ou ces pratiques sont présentés comme bénéfiques pour la santé des personnes concernées alors qu’ils les exposent à des risques d’une particulière gravité pour leur santé.Les sanctions disciplinaires à l’égard de professionnels de santé qui commettent des atteintes aux personnes liées à des agissements sectaires seront facilitées. Le texte prévoit à ce titre l’obligation pour le ministère public d’informer sans délai les ordres professionnels concernés des condamnations ou placements sous contrôle judiciaire par un juge de ces praticiens pour des infractions en lien avec les dérives.
Enfin, pour améliorer l’information des acteurs judiciaires sur les dérives sectaires, le projet de loi permet aux autorités judiciaires de solliciter les services de l’Etat disposant de compétences sur le phénomène sectaire, dont la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), aux fins de leur fournir toute information d’ordre général utile de nature à les éclairer.
Parcours législatif
La procédure accélérée a été engagée par le gouvernement le 15 novembre 2023.
Le texte a été adopté par le Sénat le 19 décembre 2023 (T.A. n° 44).Les sénateurs ont modifié le projet de loi :- en donnant à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) un statut législatif, afin de la conforter dans ses missions ;- en renforçant la répression des infractions en lien avec les dérives sectaires (abus de faiblesse, exercice illégal de la médecine et de la pharmacie et pratiques commerciales trompeuses) dès lors qu’elles sont commises en ligne ;- en allongeant les délais de prescription applicables et en renforçant la répression de l’isolement social volontaire des enfants afin de protéger de manière plus efficace les mineurs de dérives sectaires.Le 14 février 2024, le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale (T.A. n° 241), par 151 voix pour, 73 contre et 12 abstentions.
Après désaccord en commission mixte paritaire (CMP), le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale le 20 mars 2024 (T.A. n° 267), par 104 voix pour, 65 contre et 15 abstentions.Les sénateurs ont rejeté le texte le 2 avril 2024 (T.A. n° 105).Les députés ont adopté le texte en lecture définitive le 9 avril 2024 (T.A. n° 285).
Par sa décision n° 2024-865 DC du 7 mai 2024, le Conseil constitutionnel valide l'article incriminant la provocation à abandonner un traitement médical ou à adopter certaines pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique. Il censure toutefois comme cavalier législatif son article 2.