ETABLISSEMENTS DE SANTE PRIVES: la liberté d’établissement s’oppose à l’exigence d’une autorisation préalable fondée sur une évaluation des besoins de santé de la population

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ETABLISSEMENTS DE SANTE PRIVES: la liberté d’établissement s’oppose à l’exigence d’une autorisation préalable fondée sur une évaluation des besoins de santé de la population

LA RÉGLEMENTATION AUTRICHIENNE RELATIVE À LA CRÉATION D’ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ PRIVÉS N’EST PAS COMPATIBLE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE

 

La liberté d’établissement s’oppose à l’exigence d’une autorisation préalable fondée sur une évaluation des besoins de santé de la population lorsqu’elle s’applique à une policlinique dentaire autonome mais non aux cabinets de groupe et que le pouvoir d’appréciation des autorités nationales n’est pas suffisamment encadré

La réglementation autrichienne relative aux établissements de santé subordonne la création d’une policlinique autonome, c’est-à-dire d’une installation autonome sur le plan organisationnel, ayant pour objet l’examen ou le traitement de personnes dont l’état n’exige pas l’hospitalisation, à la délivrance d’une autorisation administrative préalable. Celle-ci ne peut être accordée que s’ »il existe un besoin » justifiant la création d’un nouvel établissement au regard des soins déjà offerts, notamment par les médecins conventionnés. Il appartient aux Länder d’assurer l’exécution de cette réglementation.

Ainsi, les gouvernements de Haute-Autriche et de Vienne ont rejeté des demandes d’autorisation présentées par la société Hartlauer. Celle-ci a son siège en Allemagne et veut créer des policliniques dentaires privées à Vienne et à Wels en Haute-Autriche. Les deux gouvernements ont fait valoir que les soins dentaires étaient assurés de manière suffisante par les établissements de santé publics, les établissements privés d’utilité publique et les autres médecins conventionnés proposant une offre de prestations comparable. Partant de ces constatations, ils ont conclu qu’il n’existait donc pas de besoin justifiant la création d’une policlinique dentaire privée.

Hartlauer a saisi le Verwaltungsgerichtshof qui, à son tour, interroge la Cour de justice sur la compatibilité de la réglementation autrichienne avec la liberté d’établissement.

Dans son arrêt  du 10 mars 2009
 (affaire C-169/07
Hartlauer Handelsgesellschaft mbH / Wiener Landesregierung e.a.,) la CJUE relève que la réglementation autrichienne constitue une restriction à la liberté d’établissement car, d’une part, les entreprises concernées risquent de supporter les charges administratives et financières supplémentaires générées par une telle autorisation et, d’autre part, la réglementation nationale réserve l’exercice d’une activité non salariée à certains opérateurs économiques qui répondent à des exigences prédéterminées dont le respect conditionne la délivrance de cette autorisation.

En l’espèce, l’application de la réglementation autrichienne a eu pour effet de priver Hartlauer de tout accès au marché des soins dentaires en Autriche.

Dans ces circonstances, la Cour examine si les dispositions litigieuses peuvent être objectivement justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, notamment par l’objectif de maintenir un service médical de qualité, équilibré et accessible à tous et celui de prévenir un risque d’atteinte grave à l’équilibre financier du système de sécurité sociale.

À ce titre, la Cour relève que la réglementation nationale en cause ne poursuit pas de manière cohérente et systématique les objectifs invoqués. L’autorisation préalable fondée sur l’évaluation des besoins du marché est exigée pour la création et l’exploitation de nouvelles policliniques dentaires autonomes, mais non pour l’établissement de nouveaux cabinets de groupe, même si ces deux catégories de prestataires peuvent avoir des caractéristiques équivalentes et sont donc susceptibles d’affecter, d’une manière équivalente, la réalisation des objectifs de planification poursuivis par les autorités nationales. Cette incohérence affecte également la réalisation de l’objectif, allégué par l’Autriche, qui vise à prévenir un risque d’atteinte grave à l’équilibre financier du système national de sécurité sociale.

La Cour relève ensuite que l’évaluation des besoins du marché n’est pas fondée sur une condition qui serait susceptible d’encadrer suffisamment l’exercice, par les autorités nationales, de leur pouvoir d’appréciation. En effet, dans le Land de Vienne, l’appréciation de l’existence d’un besoin est opérée sur la base du nombre de patients par praticien de l’art dentaire dans la zone desservie sans que le nombre de patients en question ne soit fixé ou porté à l’avance à la connaissance des intéressés d’une quelconque façon.

Dans le Land de Haute-Autriche, l’appréciation pertinente est effectuée sur la base des réponses données par des praticiens exerçant dans la zone d’attraction de la policlinique dentaire autonome dont l’implantation est envisagée, bien que ces derniers soient des concurrents potentiels directs de cet établissement. Une telle méthode est susceptible de porter atteinte à l’objectivité et à l’impartialité du traitement de la demande d’autorisation concernée.

Par conséquent, l’exigence d’une autorisation préalable fondée sur une évaluation des besoins de santé de la population est contraire au principe de la liberté d’établissement, dès lors qu’elle s’applique à une policlinique dentaire autonome mais non aux cabinets de groupe et qu’elle n’est pas fondée sur une condition qui serait susceptible d’encadrer suffisamment l’exercice, par les autorités nationales, de leur pouvoir d’appréciation.