Les dispositions de l’article L. 223-22 du code de commerce n’autorisent les associés à exercer l’action sociale en responsabilité que contre des gérants. Dès lors, cette action est fermée aux dirigeants au sens large, y compris aux mandataires sociaux et donc au liquidateur, même si celui-ci se substitue aux organes de direction.
Quatre associés à parts égales dans une SARL, qui exploitait un fonds de commerce en location-gérance dont ils étaient propriétaires indivis, ont décidé, à l’unanimité, la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable. Estimant que l’un des associés, en sa qualité de liquidateur amiable, avait gravement manqué à ses obligations et privilégié, au préjudice des intérêts de la personne morale, ses propres intérêts ou ceux de ses enfants, deux associés l’ont assigné, ainsi que la SARL, en réparation du préjudice subi. Le mandataire ad hoc judiciairement désigné a été appelé en cause d’appel dans l’instance reprise par les ayant-droits du liquidateur, entre-temps décédé.
Dans un arrêt du 15 décembre 2015, la cour d’appel de Toulouse a fait droit à leur demande en déclarant recevable l’action en responsabilité ut singuli dirigée contre le liquidateur amiable. La cour d’appel énonce que les dispositions de la loi sur les sociétés tendent à s’appliquer aux dirigeants au sens large, cette notion devant recouvrir tous les mandataires sociaux et donc le liquidateur, lequel se substitue aux organes de direction, étant investi des mêmes pouvoirs, même si sa mission a un but déterminé. Elle retient que le but de l’action ut singuli est de permettre de défendre les intérêts de la société victime d’une inaction ou d’un abus de pouvoir, lequel peut être imputable à un liquidateur amiable comme à tout autre dirigeant. Elle observe notamment que du fait de la dissolution, le seul représentant de la société est justement le liquidateur amiable qui ne peut agir contre lui-même, et que la désignation d’un administrateur ad hoc qui ne dispose d’aucune donnée ni de fonds lui permettant d’agir, rend toute action de sa part illusoire.
Par un arrêt du 6 décembre 2017, la Cour de cassation a invalidé le raisonnement de la cour d’appel de Toulouse. Elle considère qu’en statuant ainsi, alors que les dispositions de l’article L. 223-22 du code de commerce n’autorisent les associés à exercer l’action sociale en responsabilité que contre des gérants, la cour d’appel a violé l’article précité.
– Cour de cassation, chambre commerciale, 6 décembre 2017 (pourvoi n° 16-21.005 – ECLI:FR:CCASS:2017:CO01449), Eve X. et a. c/ Jean-Claude et Roger X. et a. – cassation de cour d’appel de Toulouse, 15 décembre 2015 (renvoi devant la cour d’appel de Montpellier) – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036178154&fastReqId=253952876&fastPos=1
– Code de commerce, article L. 223-22 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006223141&cidTexte=LEGITEXT000005634379