Un article de blog publié en réaction à l'obligation vaccinale du personnel hospitalier, assimilant les cadres dirigeants du centre hospitalier aux médecins et fonctionnaires du régime nazi, revêt le caractère d'injure publique, sans aucunement participer à un débat d'intérêt général.Pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, la direction d'un centre hospitalier a adressé une note de service rendant obligatoire la vaccination de tous les personnels de l'établissement, sous peine de faire l'objet d'une suspension automatique de leurs fonctions.En réaction, un pharmacien exerçant au sein de l'hôpital a publié sur un blog dont il était responsable un article indiquant que "Dans l'empire de la honte, du post-science et du post-droit les zélés du régime semblent prospérer" et citant l'extrait d'un article écrit par un professeur de droit public, énonçant : "Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, vingt médecins et trois fonctionnaires nazis seront accusés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et jugés à Nuremberg (...) En raison de leur atrocité, les crimes des médecins nazis ont laissé croire qu'il s'agissait d'un accident monstrueux de l'Histoire, faisant ainsi oublier ce que Hannah Arendt appelle 'la banalité du mal'."
Dans un arrêt du 10 septembre 2024 (pourvoi n° 23-84.135), la Cour de cassation approuve la décision de la cour d'appel d'Angers qui a déclaré le pharmacien coupable d'injure en considérant que :- les juges ont retenu, à juste titre, que, pour illustrer son propos, le prévenu n'avait pas simplement reproduit un article de doctrine d'un professeur de droit mais qu'il en avait sélectionné des passages, supprimant la référence originelle au code de Nuremberg qui a consacré, entre autres, le principe du consentement libre et éclairé comme préalable à des recherches mettant en jeu des sujets humains, qu'il avait également surligné en gras certains passages, tels que "crimes de guerre et crimes contre l'humanité" et "la banalité du mal", et que ces citations partielles, intégrées à l'article rédigé par le prévenu, aboutissaient à faire un parallèle entre la direction du centre hospitalier et les fonctionnaires et médecins nazis, de sorte que ces propos avaient un caractère outrageant ;- les juges, qui ont analysé le sens et la portée des propos poursuivis, ont exactement retenu qu'ils n'imputaient aucun fait précis aux parties civiles et que, dès lors, la qualification de diffamation ne pouvait être retenue ;- si l'obligation vaccinale des soignants constitue un débat d'intérêt général et, contrairement à ce qu'ont retenu les juges, est le sujet de l'article en cause, le prévenu, qui se livrait dans la première partie de ses propos à une critique de la note interne du centre hospitalier au sein duquel il exerce, dépassait les limites de la liberté d'expression en assimilant, sans qu'il soit possible de considérer ces propos comme satiriques, les cadres dirigeants du centre hospitalier aux médecins et fonctionnaires du régime nazi.
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Obligation vaccinale des soignants : condamnation d'un pharmacien des hôpitaux pour injure publique - Legalnews, 25 juillet 2022