L’article 121-1 du code pénal ne peut s’interpréter que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l’encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière perde son existence juridique.
En mai 2013, un médecin biologiste ayant dirigé de 1999 à 2010 un laboratoire d’analyses médicales a porté plainte et s’est constitué partie civile notamment contre la société A. venant aux droits de la société B., pour offre par une entreprise assurant des prestations produisant ou commercialisant des produits pris en charge par des régimes obligatoires de sécurité sociale d’avantages en nature ou en espèces à des auxiliaires médicaux. En juin 2014, le juge d’instruction a mis en examen de ce chef la société A.En septembre 2014, cette dernière a déposé, sur le fondement de l’article 87 du code de procédure pénale, une contestation de la recevabilité de la constitution de partie civile, à laquelle le juge d’instruction n’a pas répondu. En septembre 2015, la société A. a déposé une requête sur le fondement des dispositions combinées des articles 6, 81 et 175-1 du code de procédure pénale, tendant à ce que soit rendue une ordonnance de non-lieu en sa faveur, au motif que l’action publique serait éteinte en raison de la fusion-absorption de la société B., seule personne morale mise en cause, par la société A.
Le 18 décembre 2015, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes a dit n’y avoir lieu à clôture de l’information. Elle a notamment rappelé qu’il ressort de la décision du 5 mars 2015 de la Cour de Justice de l’Union européenne(CJUE) (affaire C-343/13) que la fusion-absorption entraîne la transmission à la société absorbante de la responsabilité pénale de la société absorbée par l’obligation de payer une amende infligée après la fusion pour des infractions commises par la société absorbée avant la fusion. Elle a ajouté que conformément à cette décision, il doit être considéré, en l’espèce, que la fusion-absorption de la société B. par la société A., en l’absence de liquidation, ayant eu pour effet de transférer, en les confondant, le patrimoine et la personnalité juridique de la première à la seconde, entraîne la transmission de la responsabilité pénale, de façon non contraire aux dispositions des articles 6 du code du procédure pénale et 121-2 du code pénal.La chambre de l’instruction a également indiqué que, dans le cas d’espèce, cette transmission est d’autant plus avérée par les caractéristiques de l’opération de fusion-absorption par une société qui était propriétaire de près de la moitié de la société absorbée et dont les dirigeants et les biologistes y travaillant étaient en même temps associés de la société absorbante et que cette identité des associés des deux sociétés, absorbée et absorbante, montre que les personnes physiques qui les composent ne pouvaient ignorer, en tant qu’associés de la société absorbante, les agissements des personnes travaillant au sein de la société absorbée.Elle en a déduit que la responsabilité pénale de la société A. est susceptible d’être engagée dans l’infraction dans les termes de la mise en examen qui lui a été signifiée.
Le 25 octobre 2016, la Cour de cassation a cassé l’arrêt.Elle a estimé qu’en se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée de l’article 121-1 du code pénal selon lequel nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.Elle a, d’une part, précisé que la troisième directive 78/ 855/ CEE du Conseil du 9 octobre 1978 concernant les fusions des sociétés anonymes, qui a été codifiée par la directive 2011/ 35/ UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, telle qu’interprétée en son article 19 paragraphe 1 par la CJUE dans l’arrêt du 5 mars 2015 précité, est dépourvue d’effet direct à l’encontre des particuliers.La Cour de cassation a, d’autre part, indiqué que l’article 121-1 du code pénal ne peut s’interpréter que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l’encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière perde son existence juridique.
– Cour de cassation, chambre criminelle, 25 octobre 2016 (pourvoi n° 16-80.366 – ECLI:FR:CCASS:2016:CR05288) – cassation partielle de chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, 18 décembre 2015 (renvoi devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Caen) – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000033321064&fastReqId=1791618780&fastPos=1
– CJUE, 5ème chambre, 5 mars 2015 (affaire C‑343/13 – ECLI:EU:C:2015:146), Modelo Continente Hipermercados SA c/ Autoridade para as Condições de Trabalho – Centro Local do Lis (ACT) – https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=162690&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=537395
– Troisième directive 78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes – https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A31978L0855
– Directive 2011/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant les fusions des sociétés anonymes – https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2011:110:0001:0011:fr:PDF
– Code pénal, articles 121-1 et 121-2 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=DB0C9CD4788DA96F62193693E6274A22.tpdila13v_2?idSectionTA=LEGISCTA000006149817&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20161208
– Code de procédure pénale, article 6 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000024496769
– Code de procédure pénale, article 175-1 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000029000854&cidTexte=LEGITEXT000006071154
– Code de procédure pénale, article 81 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000006575441&dateTexte&categorieLien=cid
– Code de procédure pénale, article 87 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&idArticle=LEGIARTI000006575466&dateTexte=&categorieLien=cid