En droit, on considère qu’il y a remplacement lorsqu’un infirmier suspendant provisoirement son activité professionnelle, confie à un confrère ou une consoeur régulièrement autorisé(e) la mission d’agir en ses lieux et place.
Le remplacement doit prendre la forme d’un contrat conclu entre professionnels de santé.
A cet égard, la loi prévoit qu’un contrat doit impérativement être établi pour tout remplacement d’une durée supérieure de 24 heures. Il en va de même si le remplacement est d’une durée inférieure à 24 heures mais répété[1].
Les infirmiers peuvent soumettre au Conseil de l’ordre les projets des contrats et avenants, lequel doit faire connaître ses observations dans le délai d’un mois. Tout infirmier demandant son inscription à l’Ordre doit en vertu de l’article L.4113-9 du code de la santé publique transmettre ses contrats à l’ordre.
Le défaut de communication constitue une faute disciplinaire susceptible d’entrainer une sanction ou de motiver le refus d’inscription au tableau de l’ordre.
Le remplacement se définit comme l’acte par lequel un infirmier d’exercice libéral (le remplacé) décide pour des raisons qui lui sont propres (congés, maladie, maternité, formation professionnelle, ….), ou pour suspension prononcée par l’Ordre pour état pathologie, infirmité ou insuffisance professionnelle, de faire gérer, à titre temporaire, le fonds libéral qu’il exploite par l’un de ses confrères (le remplaçant) qu’il choisit librement.
Toutefois, un infirmier interdit de délivrer des soins aux assurés sociaux par décision disciplinaire ne peut pas être remplacé et ne peut remplacer un autre infirmier en tant que remplaçant pendant la durée de la sanction (article R.4312-85 CSP).
Le contrat de remplacement n’est ni un contrat de travail, ni un contrat de collaboration.
A la différence du contrat de travail, il n’existe pas de lien de subordination juridique dans le contrat de remplacement. Le remplaçant conserve sa pleine indépendance professionnelle dans l’exercice de son art. La jurisprudence constante en la matière rappelle que le remplaçant n’accomplit pas son remplacement sous le contrôle du remplacé mais qu’il agit bel et bien en lieu et place de celui-ci.
L’article R. 4312-88 du code de la santé publique[2]interdit aux infirmiers d’employer comme salarié un autre infirmier, un aide-soignant, une auxiliaire de puériculture ou un étudiant infirmier.
Le collaborateur libéral est celui qui, dans le cadre d’un contrat de collaboration libérale, exerce auprès d’un autre professionnel, personne physique ou morale, la même profession. De fait, les collaborateurs peuvent avoir une clientèle propre(ce que le remplaçant ne peut pas). De plus, le contrat de collaboration peut être un contrat à durée indéterminée, ce qui n’est pas envisageable pour le contrat de remplacement.
Un infirmier ne peut se faire remplacer que temporairement par un confrère avec ou sans installation professionnelle. Dans ce dernier cas, et sans préjudice des règles relatives à l’assurance-maladie, le remplaçant doit être titulaire d’une autorisation de remplacement, pour une durée d’un an renouvelable, délivrée par le conseil départemental de l’ordre auquel il est inscrit.
L’infirmier remplaçant ne peut remplacer plus de deux infirmiers en même temps, y compris dans une association d’infirmiers ou un cabinet de groupe.
Tout contrat de remplacement est transmis, par l’infirmier remplaçant et l’infirmier remplacé, au conseil départemental ou aux conseils départementaux auxquels ils sont inscrits.
Le contrat de remplacement obligatoirement est conclu pour une durée déterminée liée à l’indisponibilitéde l’infirmier remplacé : maternité, paternité, maladie, congés, formations, etc… Le remplacement est donc par essence temporaire. La clause de fixation de la durée est une clause essentielle du contrat. Cette clause doit préciser la date d’effet et la date de fin du remplacement.
Suivant l’article R.4312-85 du code de la santé publique le remplacement n’a lieu que pendant l’indisponibilité de l’infirmier (pour cause de congés, de maladie, de formation, de maternité…). Le remplacement est donc par essence temporaire.
De plus, pendant le remplacement l’infirmier remplacé doit s’abstenir de toute activité professionnelle infirmière (article R4312-84 du code précité).
La jurisprudence a été amenée à se prononcer sur la distinction entre le remplacement et la collaboration.
Ainsi, dans un arrêt du 16 décembre 2004 la Cour d’appel administratif de Nancy relève que les praticiens désignés par le contrat comme remplaçants travaillaient tous les jours ou tous les jeudi, vendredi et samedi. Les remplacements allégués présentaient donc un caractère régulier et constant. Dès lors, il s’agissait de « contrats comportant la mise à disposition des locaux et matériels nécessaires à l’exercice » et non pas de contrats de remplacement (CAA Nancy 16 décembre 2004 n° 02NC00024).
Cette position jurisprudentielle a été confirmée par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, « Le remplacement d’un infirmier ou d’une infirmière est possible pour une durée correspondant à l’indisponibilité de l’infirmier remplacé, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties lorsque le remplacement dure plus de 24 heures. Un contrat de remplacement suppose une date de début, une date de fin, un motif de remplacement. » (CA Aix-en-Provence, chambre B, 13 novembre 2008, n°2008-661).
En somme, lorsque le prétendu remplaçant intervient de façon régulière et constante dans le cabinet pour partager les tournées, le temps de travail avec le titulaire du cabinet, il s’agit d’une collaboration et non pas d’un remplacement. Il importe peu que le contrat soit intitulé « contrat de remplacement ». Il s’agit par exemple de l’infirmier qui travaille 2 jours toutes les semaines.
Remplaçant | Collaborateur | |
STATUT | Doit s’intégrer dans la pratique adoptée de l’infirmière remplacée au niveau administratif, fiscal, comptable et patientèle | Professionnellement indépendant au niveau administratif, fiscal, comptable et patientèle |
Ne peut pas créer sa propre clientèle | Peut créer sa propre clientèle | |
N’a pas de CPS et utilise les feuilles de soins de la remplacée en inscrivant son nom et son numéro professionnel de santé | Dispose de ses propres feuilles de soins, de sa propre CPS et de sa propre plaque professionnelle | |
REMUNERATION | Rétrocessions versées par la remplacée | Honoraires perçus directement de la CPAM |
Un %, (environ 10%) de la rétrocession est retenu pour location du local, petit matériel, charges d’entretien du cabinet, paiement des factures (eau, téléphone, électricité) | Une redevance de collaboration est versée au titulaire du cabinet pour la participation aux frais : location du local, charges d’entretien du cabinet, factures etc… | |
CLAUSES DE CONTRAT |
Contrat à durée déterminée | Contrat à durée déterminée ou indéterminée |
Dates de remplacement, durée, motif (maladie, maternité, congés, formation) et conditions de renouvellement (un an max.) | Dates et conditions de renouvellement | |
Conditions de rupture du contrat dont un délai de préavis | Conditions de rupture du contrat dont un délai de préavis | |
Modalités de rémunération : % rétrocédé, délai de paiement | Modalités de rémunération : les frais de participation peuvent être justifiés par les documents comptables | |
Clause de non réinstallation : pour une durée supérieure à 3 mois, la remplaçante ne peut s’installer pendant 2 ans dans un secteur en concurrence directe avec la remplacée | Conserve sa liberté d’installation et peut informer sa propre patientèle de sa nouvelle installation. A la rupture du contrat, le collaborateur peut donc récupérer ses fichiers patients. |
Le remplaçant – qui peut être un infirmier exerçant déjà en libéral ou bien un infirmier n’ayant pas de lieu de résidence professionnelle – doit, pour pouvoir exercer le remplacement, justifier d’un certain nombre de conditions fixées par la convention nationale :
(R.4312-88 du Code de la santé publique).
Pour obtenir l’autorisation en question l’intéressé doit adresser une demande manuscrite ainsi que l’attestation fournie par la CPAM indiquant que l’intéressé remplit les conditions d’expérience professionnelle. Le fait d’assurer un remplacement sans pouvoir produire l’autorisation accordée par le conseil départemental de l’ordreest susceptible d’entraîner des poursuites judiciaires et/ou déontologiques pour exercice illégal de la profession d’infirmier.
Suspension provisoire : Le remplacé s’engage, pendant toute la période du remplacement, à ne pas exercer d’activité professionnelle infirmièresous réserve des hypothèses de non-assistance à personne en péril et de demande de l’autorité en cas d’urgence, de sinistre ou de calamité (article R.4312-84 CSP).
Obligations d’information : S’il exerce sous la forme d’une société civile professionnelle ou d’une société d’exercice libéral, il doit en outre informer les membres de cette société. Il doit également informer les organismes de sécurité socialedu nom de son remplaçant, de la durée et des dates de remplacement. Si le remplaçant n’a pas de lieu de résidence professionnelle, le remplacé doit également transmettre le numéro et la date de délivrance de l’autorisation de remplacement accordé par le conseil départemental de l’ordre.
Le remplaçant ne peut remplacer plus de deux infirmiers à la fois, y compris en cas de remplacement au sein d’une association d’infirmiers ou d’un cabinet de groupe.
Avant le remplacement
L’inscription au tableau de l’Ordre : Le remplaçant est tenu, comme tout professionnel habilité à exercer la profession d’infirmière, d’être inscrit au tableau de l’Ordre des infirmiers et de faire connaître son numéro d’inscription à la caisse d’assurance maladie. Compte tenu du caractère temporaire et variant dans le temps des remplacements qui ne confèrent pas de résidence professionnelle, l’inscription au tableau se fera auprès du Conseil départemental du lieu de domicile.
L’attestation de l’assurance maladie : Le remplaçant non titulaire d’une résidence professionnelle devra fournir à la CPAM des pièces justificatives. En effet la CPAM doit disposer d’éléments afin d’autoriser l’usage de feuilles de soins du remplacé par le remplaçant. Au vu de ces justificatifs, la CPAM délivrera une attestation.
L’autorisationdu conseil départemental de l’ordre : Sur la base de l’attestation fournie par la CPAM, et lorsque le remplaçant n’a pas de résidence professionnelle, il doit avoir sollicité auprès du conseil départemental de l’ordre auquel il est inscritune autorisation de remplacement dont la durée est d’un an, renouvelable.
Pendant le remplacement
Le lieu d’exercice : Si le remplaçant n’a pas de lieu de résidence professionnelle, il effectue le remplacement au lieu d’exercice professionnel de l’infirmier remplacé. Si le remplaçant est un infirmier d’exercice libéral disposant d’un cabinet, les parties peuvent convenir que le remplacement s’effectuera au sein du cabinet de ce dernier.
L’utilisation des feuilles de soins : Au cours du remplacement, le remplaçant doit utiliser les feuilles de soins papier pré- identifiées de l’infirmier remplacé en y ajoutant visiblement ses noms, prénoms, qualité d’infirmier remplaçant et éventuellement son numéro d’autorisation du conseil départemental de l’ordre. En cas de tiers payant ou de télétransmission de feuilles de soins, l’infirmier remplaçant ne doit pas utiliser sa propre carte de professionnel de santé (CPS) : il devra donc télétransmettre en mode B2 (ou mode dégradé) et signera les feuilles de soins papiers.
La rétrocession d’honoraires : L’une des principales clauses du contrat de remplacement a trait à la rétrocession des honoraires : elle doit donc être rédigée avec soin. En effet, au cours du remplacement, le remplaçant perçoit les honoraires pour le compte du remplacé et les lui remet intégralement. Ce dernier procède alors à une rétrocession d’honoraires au remplaçant et peut conserver une somme forfaitaire correspondant aux frais de fonctionnement du cabinet (le loyer, l’électricité, le téléphone, les locations, l’assurance des locaux et du matériel, le coût du personnel, les produits d’entretien, les produits pharmaceutiques, les matériels à usage unique, etc.). Le montant ou le mode de calcul de la rétrocession des honoraires est fixé librement au terme du contrat. En pratique, le calcul de la rétrocession oscille entre 5 et 10% du chiffre d’affaires réalisé durant le remplacement.
Conservant son indépendance professionnelle dans l’exercice de son art, l’infirmier remplaçant encourt une responsabilité personnelle à raison par exemple de fautes commises au cours du remplacement. Le remplaçant doit par conséquent être assuré personnellement en matière de responsabilité civile professionnelle et doit fournir l’attestation d’assurance au remplacé dès le début de la période de remplacement.
A l’égard du remplacé, le remplaçant peut également engager sa responsabilité dans la mesure où il ne respecterait pas les engagements pris au regard du contrat de remplacement.
Le remplacé est responsable :
A l’égard de ses patients quant au choix de son remplaçant, dans la mesure où il doit confier ses patients à un professionnel à même de leur fournir des soins de qualité,
A l’égard du remplaçant dans la mesure où il doit lui remettre les clefs d’un cabinet en bon état. Ainsi un remplacé a pu voir sa responsabilité mise en cause pour avoir mis à disposition de son remplaçant un matériel professionnel défectueux.
A l’égard du remplaçant en cas d’insuffisance d’information sur les soins préalablement reçus par le patient (dans le souci de respect de l’obligation de continuité des soins).
Il est à noter qu’un partage de responsabilité est envisageable dans la mesure où la faute de l’un ne saurait être considérée comme exonératoire de la responsabilité de l’autre (ex : légèreté du remplacé dans le choix du remplaçant et maladresse de ce dernier).
A l’issue de la période de remplacement, l’infirmier remplaçant abandonne l’ensemble de ses activités de remplacement auprès de la clientèle de l’infirmier ou de l’infirmière remplacé. Cela étant précisé, la fin du contrat soulève deux questions principales : celle des honoraires d’une part, et celle de la clause de non concurrence d’autre part.
L’article R.4312-87 du code de la santé publique dispose qu’ «‘infirmier qui remplace un de ses collègues pendant une période supérieure à trois mois, consécutifs ou non, ne doit pas, pendant une période de deux ans,s’installer dans un cabinet où il puisse entrer en concurrence directe avec le confrère remplacé et, éventuellement, avec les infirmiers exerçant en association ou en société avec celui-ci, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés un accord, lequel doit être notifié au conseil départemental de l’ordre. Lorsqu’un tel accord n’a pu être obtenu, l’affaire doit être soumise audit conseil qui apprécie l’opportunité et décide de l’installation ».
La clause de non concurrence peut faire l’objet d’aménagements contractuellement consentis qui doivent, comme avenants au contrat initial, être transmis au conseil de l’Ordre. Quelques recommandations doivent être apportées au regard de la jurisprudence : elles tiennent principalement au fait que la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace.
Cette réglementation professionnelle entraînera le prononcé de sanctions disciplinaires en cas de non -respect des termes de cette clause pour manquement aux devoirs de confraternité, indépendamment des éventuels dommages-intérêts qui seraient dus en réparation du préjudice subi par l’infirmier remplacé.
Pendant la durée du contrat de remplacement et pour les besoins de son exécution, le remplaçant aura l’usage des locaux professionnels, installations et appareils que le remplacé met à sa disposition. Il devra en faire usage « en bon père de famille ». Compte tenu du caractère par nature provisoire de l’activité du remplaçant, celui-ci s’interdit toute modification des lieux ou de leur destination.
Au terme du contrat, le remplaçant doit restituer les locaux, le matériel et le mobilier dans l’état où il les aura trouvés lors du début du remplacement (une telle clause est à intégrer dans le contrat et, dans un souci de sécurité, un état des lieux contradictoire avec inventaire peut être réalisé en début et en fin de remplacement).
[1]Art. R.4312-85 du Code de la santé publique :
Le remplacement d’un infirmier est possible pour une durée correspondant à son indisponibilité. Toutefois, un infirmier interdit d’exercice par décision disciplinaire ne peut se faire remplacer pendant la durée de la sanction.
Au-delà d’une durée de vingt-quatre heures, ou en cas de remplacement d’une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi par écrit entre les deux parties et être communiqué au conseil départemental de l’ordre.
[2]Article R.4312-88 du Code de la santé publique :
L’infirmier peut s’attacher le concours d’un ou plusieurs confrères collaborateurs libéraux, dans les conditions prévues par l’article 18de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises.
Chacun d’entre eux exerce son activité en toute indépendance, sans lien de subordination, et dans le respect des règles de la profession, notamment le libre choix de l’infirmier par les patients, l’interdiction du compérage et la prohibition de la concurrence déloyale.