Le tribunal administratif de Montreuil a condamné l’Etat à indemniser des femmes ayant suivi un traitement antiépileptique durant leurs grossesses à base de valproate de sodium (Dépakine).
Des femmes ayant suivi un traitement antiépileptique durant leurs grossesses, menées entre 1981 et 2008, soutenaient que l’insuffisance de l’information donnée aux praticiens et aux malades sur la dangerosité du valproate de sodium (principe actif commercialisé aujourd’hui sous le nom de Dépakine) lorsqu’ils sont donnés aux femmes enceintes traduit une absence de contrôle suffisant de l’Etat et, par suite, une carence dans l’exercice de son pouvoir de police sanitaire.
Dans trois jugements du 2 juillet 2020 (n° 1704275, 1704392 et 1704394), le tribunal administratif de Montreuil a jugé l’Etat en partie responsable.
Le tribunal a d’abord estimé que les anomalies morphologiques faciales, squelettiques et des extrémités, les malformations, les troubles cognitifs et ou comportementaux et les atteintes organiques variables devaient être présumés imputables à l’exposition in utero au valproate de sodium lorsque ces anomalies ne sont imputables à aucune autre cause.
Pour apprécier l’existence d’une carence fautive de l’Etat, ou des autorités agissant en son nom, dans l’exercice des pouvoirs de police sanitaire relative aux médicaments, le tribunal a examiné, en fonction de la date de naissance des enfants, l’état des connaissances médicales quant au lien entre le valproate de sodium et les malformations ou les troubles neuro-développementaux des nouveaux nés exposés in utero à ce médicament durant la grossesse. Il a relevé qu’en 1981, il n’existait pas d’étude suffisante pour établir un tel lien. En 1984 et 1985, seuls les risques de malformations étaient suffisamment documentés pour alerter la vigilance des autorités sanitaires. En revanche, concernant les grossesses intervenues entre 2005 et 2008, les deux risques - malformations et troubles neuro-développementaux - liés au valproate de sodium étaient suffisamment connus.
Le tribunal a ensuite examiné si une information suffisante était donnée sur ces deux types de risques identifiés, tant dans le résumé des caractéristiques du produit destiné aux praticiens, que dans les notices elles-mêmes à destination des femmes malades. Le tribunal rappelle qu’avant 1986, il n’existait pas d’obligation pour les producteurs de fournir un résumé des caractéristiques des produits à destination des prescripteurs et une notice d’information pour les patients. En revanche, il juge que le résumé et la notice de la Dépakine résultant de l’autorisation de mise sur le marché du 2 juillet 2004 ainsi que la notice résultant de l’autorisation de mise sur le marché du 25 janvier 2006 étaient insuffisants au regard de l’obligation d’information en matière de risques liés à la prise de ce médicament. Le tribunal en conclut qu’en fonction de la date des grossesses en cause, l’Etat a manqué à ses obligations de contrôle en ne prenant pas les mesures adaptées et a engagé sa responsabilité.
Le tribunal a enfin considéré que les faits du producteur du médicament - qui a la charge d’élaborer le résumé et la notice - et du médecin prescripteur du médicament exonéraient partiellement l’Etat de sa responsabilité.
En conséquence, le tribunal a condamné l’Etat à indemniser les victimes, en fonction de la date de naissance de leurs enfants et concernant l’une des victimes, a fait procéder à une expertise complémentaire sur l’imputabilité de certains chefs de préjudices.
Stéphanie Baert