Constitue un trouble manifestement illicite le fait de servir des boissons alcooliques sans être titulaire d’aucune des licences prévues par les articles L. 3331-1 et L. 3331-2 du code de la santé publique, à l’occasion de dîners rémunérés, organisés pour des convives s’inscrivant par l’intermédiaire d’une plateforme numérique.Une femme proposait, sur une plateforme numérique d'échanges, l'organisation à son domicile de repas préparés par elle, moyennant le paiement d'une certaine somme.
La cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'un syndicat de restaurateurs qui invoquait un trouble manifestement illicite résultant de ce que la cuisinière servait, au cours des repas qu'elle organisait, des boissons alcooliques sans détenir aucune licence restaurant ou de troisième ou quatrième catégorie, en violation des articles L. 3331-1 et L. 3331-2 du code de la santé publique.
Après avoir énoncé que ces dispositions prévoient que la vente d'alcool est conditionnée à l'obtention d'une licence, les juges du fond ont retenu que s'il ne faisait aucun doute que les bars et cafés entraient dans la catégorie des débits de boissons à consommer sur place, il n'en était pas de même d'autres pratiques au cours desquelles des boissons alcoolisées sont vendues.
Ils ont ajouté que toute personne offrant des boissons ne devient pas de ce fait un débit de boissons, de sorte qu'il est nécessaire pour déterminer la législation applicable à la pratique incriminée de procéder à un examen concret de celle-ci au regard de plusieurs critères, tels, par exemple, le caractère lucratif de l'offre de boissons ou le caractère privé ou non de la réunion à laquelle participaient les personnes en cause.
Les juges ont encore énoncé qu'il en était de même de la pratique consistant à offrir des boissons en même temps qu'une restauration pour laquelle la législation impose d'être titulaire d'une licence spécifique. Ils ont relevé que la réglementation applicable en la matière concernait les établissements qualifiés de restaurants, la qualification de l'activité de restauration ayant elle-même évolué au fil du temps pour tenir compte des habitudes alimentaires des clients.
Enfin, après avoir relevé que l'intéressée n'était pas commerçante et qu'il n'était pas établi qu'elle ait organisé des dîners par l'intermédiaire d'une plateforme numérique dans un but lucratif, alors que, par ailleurs, elle exerçait une activité professionnelle sans aucun lien avec la restauration ou le débit de boissons et que les dîners litigieux ont eu lieu à son domicile, les juges du fond ont retenu que l'organisation par cette dernière de dîners ponctuels au cours desquels des boissons étaient consommées ne permettait pas au juge des référés, juge de l'évidence, de considérer que cette pratique pouvait manifestement être qualifiée d'une activité de restauration commerciale ou de débitant de boissons relevant de la législation applicable à ces matières.
La Cour de cassation invalide le raisonnement des juges du fond.
Dans son arrêt rendu le 2 septembre 2020 (pourvoi n° 18-24.863), elle rappelle que selon l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
La Haute juridiction judiciaire ajoute qu'il résulte de la combinaison des articles L. 3331-1 et L. 3331-2 du code de la santé publique que la vente de boissons alcooliques n'est autorisée qu'aux détenteurs d'une des licences qu'ils prévoient.
Or, en l'espèce, les juges du fond avaient constaté qu'à l'occasion de dîners rémunérés, organisés pour des convives s'inscrivant par l'intermédiaire d'une plateforme numérique, la défenderesse servait des boissons alcooliques sans être titulaire d'aucune des licences prévues par les articles L. 3331-1 et L. 3331-2 précités, ce qui constituait un trouble manifestement illicite.