Un article dans un journal imprimé, qui dispense un conseil de santé inexact relatif à l’utilisation d’une plante, dont le respect a causé un dommage à la santé d’un lecteur, constitue-t-il un produit défectueux au sens du droit de l’Union, engageant la responsabilité de l'éditeur ?Dans une édition régionale du journal autrichien Kronen-Zeitung figure une chronique quotidienne signée par le membre d’un ordre religieux qui, en sa qualité d’expert dans le domaine des herbes médicinales, prodigue des conseils à titre gratuit.Le texte de l’un de ces articles était le suivant : "Soulager les douleurs rhumatismales. Le raifort fraîchement râpé peut aider à réduire les douleurs qui apparaissent avec le rhumatisme. Les zones concernées sont au préalable frictionnées avec une huile grasse à base d’herbes ou avec du saindoux, avant d’y poser et d’y presser le raifort râpé. On peut tout à fait garder cette application pendant deux à cinq heures avant de l’enlever. Ce soin possède un bon effet révulsif." Cependant, la durée de deux à cinq heures indiquée dans l’article pendant laquelle la substance devait être appliquée était inexacte, le terme "heures" ayant été utilisé en lieu et place du terme "minutes".
S'étant fiée à la durée de traitement mentionnée dans l’article, une lectrice a appliqué cette substance sur l’articulation de son pied pendant environ trois heures et ne l’a retirée qu’après avoir ressenti de fortes douleurs dues à une réaction cutanée toxique. Sa demande en réparation du fait du dommage corporel à l’encontre de l'éditeur du journal ayant été rejetée, elle a formé devant l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême autrichienne) un recours en révision.
Saisie à titre préjudiciel par cette juridiction, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) considère, dans son arrêt du 10 juin 2021 (affaire C-65/20), que ne constitue pas un "produit défectueux", au sens de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, un exemplaire d’un journal imprimé qui, traitant d’un sujet paramédical, dispense un conseil de santé inexact relatif à l’utilisation d’une plante, dont le respect a causé un dommage à la santé d’un lecteur de ce journal.
Dès lors, un conseil de santé inexact, qui est publié dans un journal imprimé et qui concerne l’usage d’un autre bien corporel, échappe au champ d’application de ladite directive et n’est pas de nature à conférer un caractère défectueux à ce journal et à engager, sur le fondement de cette directive, la responsabilité sans faute du "producteur", qu’il soit l’éditeur ou l’imprimeur dudit journal ou encore l’auteur de l’article.
La CJUE précise toutefois que d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, peuvent être applicables.