La décision du CSA jugeant inapproprié la diffusion d’une vidéo de sensibilisation à la trisomie 21 dans un espace publicitaire ne porte pas atteinte à la liberté d'expression des requérants.Dans le prolongement de la Journée mondiale de la trisomie 21, l’association requérante fit diffuser à titre gracieux par trois chaînes de télévision une vidéo de sensibilisation ("Chère future maman") montrant des enfants et jeunes adultes trisomiques heureux de vivre, dont la première requérante.
Saisi de plaintes, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) écrivit aux chaînes concernées pour leur indiquer que cette vidéo ne pouvait être diffusée dans le cadre de leurs plages publicitaires. En effet, le règlement n’admettait les diffusions à titre gracieux, telles que celles au bénéfice d’organisations caritatives, que pour les messages "d’intérêt général". Or la vidéo litigieuse, qui se présentait comme une réponse aux craintes d’une femme enceinte après un diagnostic prénatal de trisomie, portait un message ambigu et non-consensuel, qui pouvait troubler en conscience les femmes qui, dans le respect de la législation applicable à l’avortement, avaient fait des choix de vie personnelle différents. S’inscrivant dans une démarche de lutte contre la stigmatisation des personnes handicapées, le CSA estima que ce message aurait pu être valorisé par une diffusion mieux encadrée et contextualisée, au sein d’émissions notamment.
Le recours contre cette décision fut rejeté par le Conseil d’Etat le 10 novembre 2016 (requêtes n° 84691, 384692 et 394107).
En l’espèce, les requérantes font valoir que la décision du CSA d’adresser un courrier aux chaînes de télévision ayant diffusé la vidéo litigieuse ainsi que la publication de cette décision et d'un communiqué de presse sur son site internet ont constitué une ingérence dans leur droit à la liberté d’expression.
Dans un arrêt Inès De Pracomtal c/ France et Fondation Jérôme Lejeune c/ France du 1er septembre 2022 (requêtes n° 34701/17 et 35133/17), la Cour européenne des droits de l'Homme note que la vidéo litigieuse a été effectivement diffusée sur les écrans publicitaires de trois chaînes de télévision françaises pendant toute la durée initialement prévue, soit pendant un mois entre le 22 mars et le 21 avril 2014. Ce n’est que postérieurement à cette diffusion que les autorités nationales sont intervenues auprès des chaînes de télévision concernées pour leur demander "à l’avenir, de veiller aux modalités de diffusion des messages susceptibles de porter à controverse".
En l’espèce, elle considère qu’en l’absence d’autres éléments apportés par les requérantes sur les effets subis directement et personnellement du seul fait de la décision et du communiqué litigieux sur leur droit à la liberté d’expression, cette circonstance ne saurait suffire à établir la qualité de victime des requérantes au sens de l’article 34 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
La Cour considère donc que la décision et le communiqué du CSA ayant été, par nature, sans effet sur la diffusion de la vidéo litigieuse en mars et avril 2014, les requérantes ne peuvent se prétendre victimes au sens de l’article 34 de la Convention EDH.
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Diffusion du film de sensibilisation à la trisomie 21 - Legalnews, 23 novembre 2016