La CEPC apporte des précisions concernant des questions qui revêtent une particulière importance dans un secteur structurellement déséquilibré où le vendeur subit un rapport de force qui n’est pas à son avantage.
Une organisation de producteurs dans le secteur du lait et des produits laitiers, reconnue par les pouvoirs publics a interrogé la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) sur les stipulations d’un contrat d’achat/fourniture de lait convenu entre l’organisation agissant pour le compte de vendeurs et un acheteur.
Dans un avis du 21 septembre 2017, la CEPC précise que cette saisine soulève plusieurs questions, qu'elle aborde dans l’ordre de leur présentation, et qui revêtent une particulière importance dans un secteur structurellement déséquilibré où le vendeur subit un rapport de force qui n’est pas à son avantage.
La CEPC rappelle qu'un contrat d’achat/fourniture de lait peut contenir une ou plusieurs des clauses suivantes :- clause d’indivisibilité entre ledit contrat et le mandat de facturation accordé par le vendeur à l’acheteur ;- clause de modification unilatérale du rythme de la collecte par l’acheteur ;- clause de stockage exclusif du tank à lait mis à disposition du vendeur par l’acheteur (location) ;- clause de pénalité forfaitaire en cas de dépassement des volumes engagés ;- clause imposant à l’organisation de producteurs qui négocie au nom et pour le compte de ses membres, d’être exclusivement constituée par des producteurs de lait livrant à l’acheteur.
Force est de constater que ces clauses font peser des obligations uniquement à la charge de l’une des parties : le vendeur. Or, l’absence de justification ou de contrepartie à une telle unilatéralité dans la mesure où cette dernière créerait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties peut constituer une pratique restrictive de concurrence sanctionnée par l’article L. 442-6 du code de commerce.
La même considération s’applique à l’effet cumulé de ces clauses stipulées dans un seul et même contrat. Dans l’hypothèse où ces clauses ne seraient pas, prises isolément et en elles-mêmes, répréhensibles, leur cumul, à défaut de justification objective ou de contrepartie, pourrait être constitutif d’une pratique restrictive de concurrence, en particulier au regard de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce.
Plus spécifiquement sur la clause imposant à l’organisation de producteurs qui négocie au nom et pour le compte de ses membres, d’être exclusivement constituée par des producteurs de lait livrant à l’acheteur : l’insertion d’une telle clause dans un accord-cadre, tel que prévu à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, peut avoir pour effet de placer l’organisation de producteurs et/ou ses membres dans une situation de déséquilibre vis-à-vis de l’acheteur, dès lors que l’exclusivité ainsi exigée n’est pas justifiée. Il pourrait en résulter un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-6 I, 2° du code de commerce. Par ailleurs, l’acheteur qui traiterait directement avec un producteur membre de l’organisation pourrait être considéré comme tiers complice (article 1240 du code civil) de la faute contractuelle commise par le membre de l’organisation de producteurs qui aurait accepté de négocier individuellement et hors l’organisation de producteurs en violation du mandat exclusif de négociation qu’il aurait donné à cette organisation de producteurs.
Les accords issus d’une médiation doivent être repris dans la nouvelle proposition contractuelle sous réserve qu’il s’agisse bien d’accord (ou protocole) et non de simple "discussion" ou de "proposition". En présence d’un accord, résultat de la médiation, ce dernier doit être pris en compte dans la nouvelle proposition contractuelle en application du principe de la force obligatoire des contrats (article 1103 du code civil).
- Avis n° 17-11 du CEPC du 21 septembre 2017 relatif à une demande d’avis d’une organisation de producteurs portant sur un contrat de fourniture de lait - https://www.economie.gouv.fr/cepc/avis-numero-17-11-relatif-a-demande-davis-dune-organisation-producteurs-portant-sur-contrat
- Code de commerce, article L. 442-6 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033612862&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20171220&fastPos=1&fastReqId=671146460&oldAction=rechCodeArticle
- Code rural et de la pêche maritime, article L. 631-24 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033612798&cidTexte=LEGITEXT000006071367&dateTexte=20171220&oldAction=rechCodeArticle&fastReqId=838752190&nbResultRech=1
- Code civil, article 1103 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000032040777&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20171220&fastPos=2&fastReqId=1668392741&oldAction=rechCodeArticle