En raison de la date d’ouverture de la procédure collective de la société par la juridiction roumaine, la procédure de liquidation judiciaire ouverte en France ne pouvait qu’être une procédure secondaire.
Une juridiction roumaine a ouvert une procédure d’insolvabilité à l’égard de la société I., dont le siège statutaire est en Roumanie et qui est dirigée par M. X. Sur l’assignation d’un créancier français, le tribunal de commerce de Créteil, par un jugement du 19 mars 2014, devenu irrévocable, a mis la même société en liquidation judiciaire, en fixant la date de la cessation des paiements au 19 septembre 2012. Reprochant à M. X. de n’avoir pas déclaré cet état dans le délai légal, le ministère public a demandé le prononcé contre lui de la sanction de l’interdiction de gérer.
La cour d’appel de Paris prononce contre M. X. une mesure d’interdiction de gérer pour une durée d’un an. Les juges du fond énoncent que, la procédure principale d’insolvabilité ayant été ouverte en France, où le jugement du 19 mars 2014 a situé le centre des intérêts principaux de la société I., les juridictions françaises en charge de la procédure principale sont compétentes pour décider des sanctions, lesquelles dérivent de cette procédure, et constate que M. X. a laissé s’accumuler un passif fiscal important entre 2009 et 2011.
La Cour de cassation casse l’arrêt au visa des articles 3 et 16 du règlement (CE) du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, applicable en la cause.
La Haute juridiction judiciaire rappelle qu’il résulte de ces textes, tels qu’interprétés par la Cour de justice de l’Union européenne, que la décision par laquelle une juridiction d’un Etat membre ouvre à l’égard d’une personne morale, dont le siège statutaire est situé dans cet Etat, une procédure d’insolvabilité doit être reconnue immédiatement dans tous les autres Etats membres. Si une juridiction d’un autre Etat membre ouvre ensuite une procédure d’insolvabilité à l’égard de la même personne, cette procédure ne peut être qu’une procédure secondaire. A l’occasion de l’ouverture de celle-ci, l’insolvabilité de la débitrice ne peut être réexaminée, de sorte que son dirigeant n’a pas à déclarer la cessation de ses paiements dans le pays d’ouverture d’une procédure secondaire.
La Cour de cassation estime qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes susvisés.En effet, en raison de la date d’ouverture de la procédure collective de la société I. par la juridiction roumaine de son siège social, la procédure de liquidation judiciaire ouverte en France ne pouvait qu’être une procédure secondaire.A supposer que le jugement du 19 mars 2014 eût situé en France le centre des intérêts principaux de la société débitrice, ce dont la cour d’appel a déduit que la procédure ouverte en France devait être qualifiée de principale, l’autorité de la chose jugée qui s’attache, dans l’ordre juridique interne, à ce jugement n’est pas de nature, conformément au droit de l’Union, à faire écarter le caractère secondaire de cette procédure, de sorte que M. X., qui n’était pas tenu d’effectuer en France une déclaration de cessation des paiements, ne pouvait être sanctionné pour s’en être abstenu.
– Cour de cassation, chambre commerciale, 7 février 2018 (pourvoi n° 17-10.056 – ECLI:FR:CCASS:2018:CO00180) – cassation sans renvoi de cour d’appel de Paris, 3 novembre 2016 – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_commerciale_574/180_7_38555.html
– Règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité – http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32000R1346