Un notaire engage sa responsabilité civile pour ne pas avoir informé le vendeur du non-paiement des mensualités des acquéreurs, en raison de leur liquidation judiciaire, pour perte de chance d’avoir pu engager une action en résolution de la vente.
Suivant acte reçu en novembre 2010 par un notaire, une société a vendu à deux acquéreurs un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, pour le prix de 75.000 € payable en la comptabilité du notaire par mensualités de 1.000 € à compter du mois de décembre 2010. Les acquéreurs n'ont pas payé et ont été placés en liquidation judiciaire, en mai 2011 et décembre 2011.Reprochant au notaire de ne pas l'avoir informée du non-paiement des mensualités dès décembre 2010 et de l'avoir ainsi empêchée d'engager une action en résolution de la vente qui lui aurait permis d'obtenir la restitution du fonds de commerce, la société a fait assigner le notaire en indemnisation de son préjudice.
En mars 2015, le tribunal de grand instance de Colmar a, notamment, condamné le notaire à payer à la société la somme de 56.250 € à titre de dommages et intérêts.
Le 9 décembre 2016, la cour d’appel de Colmar a confirmé le jugement et a condamné le notaire à verser à la société la somme de 11.250 € à titre de dommages et intérêts.Elle a estimé que le TGI a retenu, par des motifs pertinents qu'au titre de son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte de vente reçu par lui, qui prévoyait le paiement du prix par mensualités en sa comptabilité, le notaire devait aviser le vendeur immédiatement de la survenue d'un impayé, et qu'il n'avait pas rempli cette obligation. La cour d'appel a ajouté que si la société avait été informée dès le mois de décembre 2010 du non-paiement du prix par les acquéreurs, elle aurait pu introduire une procédure en résolution de la vente en vue d'obtenir la restitution du fonds de commerce. La cour d’appel a cependant précisé que, les chances qu'une telle procédure aboutisse avant la fin du mois de mai 2011, date du placement en liquidation judiciaire de l’un des acquéreurs, à compter de laquelle, en vertu l'article L. 622-21 du code de commerce, la résolution de la vente ne pouvait plus être prononcée, étaient faibles, eu égard à la durée d'une telle instance, même engagée selon la procédure à jour fixe. Elle a ensuite indiqué que le TGI a retenu à juste titre que le préjudice consistait en une perte de chance d'obtenir la résolution de la vente, même s’il n'a pas quantifié cette perte de chance, que la cour d’appel fixe à 20 %.En revanche, la cour d’appel a jugé que c'est avec raison que le TGI a retenu que le fait que la société n'ait pas mentionné, dans ses déclarations de créance aux liquidations judiciaires des acquéreurs, le nantissement dont elle bénéficiait sur le fonds de commerce était sans incidence. Elle a ajouté que ces déclarations visaient le privilège du vendeur du fonds de commerce, qui est une garantie de meilleur rang. La cour d’appel a également souligné que, selon courrier du liquidateur judiciaire du mois de janvier 2012, ce privilège n'ouvrait droit à aucune répartition au profit de la société venderesse.Elle a par ailleurs précisé, qu’en supposant que la société ait obtenu la résolution de la vente du fonds de commerce, le fonds lui aurait été restitué déprécié par rapport à sa valeur au jour de la vente. La cour d'appel a déduit que la gestion du fonds par les acquéreurs a manifestement été désastreuse puisqu'ils n'ont payé aucune des mensualités du prix de vente et ont été placés en liquidation judiciaire six mois après la vente pour l’un des acquéreurs et six mois plus tard pour le second.Enfin, la cour d’appel a conclu que rien ne permet d'affirmer que seuls les éléments incorporels du fonds de commerce, à l'exclusion des éléments corporels comprenant notamment le matériel, auraient pu être restitués en cas de résolution de la vente.
- Cour d’appel de Colmar, 2ème chambre civile, section A, 9 décembre 2016 (n° 15/02880), Christian D. c/ SNC La Gourmandise - https://www.docdroid.net/PxV0Uju/cour-dappel-colmar-2e-chambre-civile-section-a.pdf.html#page=4
- Code de commerce, article L. 622-21 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000019983976&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20170210&fastPos=1&fastReqId=536548441&oldAction=rechCodeArticle