Le tribunal administratif de Montreuil annule l’arrêté du 14 mars 2022 déclarant d'utilité publique le projet de réalisation du campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord (CHUGPN) car ce projet diminue l’offre de soins dans un territoire souffrant déjà d’importantes inégalités de santé et viole ainsi le droit fondamental à la protection de la santé.Des requérants ont contesté l’arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique le projet de réalisation du campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord (CHUGPN). Celui-ci prévoit de regrouper sur un même site une structure hospitalière rassemblant les activités médicales et chirurgicales des hôpitaux Bichat (Paris 18è) et Beaujon (Clichy) et une structure universitaire comportant notamment les activités de recherche et de formation en médecine de l’université Paris cité.
Dans un jugement du 10 juillet 2023 (n° 2207973), le tribunal administratif de Montreuil a annulé l’arrêté du 14 mars 2022.
Il s’est penché sur les inconvénients éventuels du projet. Il a étudié l’effet social de l’opération, à savoir le remplacement de l’offre de soins existant dans les hôpitaux Bichat et Beaujon par celle proposée par le nouveau CHUPGN.
Le tribunal a relevé que l’opération conduisait à diminuer, à périmètre constant, le nombre de lits d’hospitalisation de 1131 à 941, le nombre de places en ambulatoire de 207 à 173 et le nombre de naissance pouvant être accueillies de 3238 à 2000.
Selon l’AP-HP, le niveau des soins, en qualité et en quantité, était toutefois au moins maintenu grâce à la prévision de 150 lits hôteliers à proximité du CHUGPN et de 96 lits dédoublables, à une amélioration du taux de rotation en ambulatoire (de 1 à 1,3) et à la possibilité d’orienter certaines parturientes vers d’autres maternités d’Ile-de-France, région marquée par une diminution de la natalité.
Toutefois, le tribunal a estimé que ces alternatives ou complémentarités n’étaient pas prévues ou justifiées avec suffisamment de précision.Il a notamment constaté qu’aucune disposition n’était envisagée pour assurer la prise en charge au sein de l’hôpital des patients hébergés à l’hôtel, que l’amélioration du taux de rotation en ambulatoire n’était étayée par aucun élément crédible et que les modalités de coopération entre les maternités de la région n’étaient pas clairement définies, alors que le nombre d’accouchements a augmenté régulièrement en Seine-Saint-Denis au cours des six dernières années.
Le tribunal a déduit de ces éléments que l’opération, dont la configuration ne permet pas des évolutions futures, conduisait à une diminution non compensée de l’offre de soins dans un territoire souffrant déjà d’importantes inégalités de santé et d’un accès à la médecine libérale inférieur à la moyenne nationale.
Au regard du caractère essentiel, s’agissant d’un projet hospitalier, de la préservation du droit fondamental à la protection de la santé, le tribunal a considéré que les inconvénients de l’opération l’emportaient sur ses avantages.