En mettant sciemment sur le marché de la viande hachée sur laquelle il avait délibérément allégé les contrôles sanitaires et, ainsi, mis en évidence la conscience qu'il avait du caractère inéluctable du dommage qui s'ensuivrait, constitué par le retrait de ce produit, le gérant de la société de transformation de viande a commis une faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances.En juin 2011, les autorités sanitaires ont enjoint à une société qui procédait, notamment, à la fabrication de steaks hachés ensuite commercialisés par des magasins de discount alimentaire, de retirer de la vente des produits en raison d'une alerte sanitaire.Son gérant a été condamné par une juridiction pénale pour blessures involontaires, tromperie, détention de denrées corrompues ou toxiques et mise sur le marché de produits d'origine animale dangereux. Il a été déclaré responsable des préjudices des parties civiles.Mise en liquidation judiciaire quelques jours plus tard, la société de transformation de viande, agissant par les organes de la procédure collective, a assigné le distributeur devant un tribunal de commerce en indemnisation du préjudice né de la rupture brutale des relations commerciales. Le liquidateur judiciaire a assigné l'assureur de la société en exécution du contrat d'assurance au titre des garanties responsabilité civile, "frais de retrait" et "défense pénale et recours".
La cour d'appel de Douai l'a débouté de ces demandes.Les juges du fond ont relevé que dans un arrêt du 26 février 2019, désormais définitif, la cour d'appel de Douai avait rappelé que le gérant de la société, en sa qualité de professionnel de la filière bovine, ne pouvait ignorer que le plan de maîtrise sanitaire était un élément essentiel d'une entreprise alimentaire, en particulier de fabrication de viande hachée surgelée où les risques de contamination étaient majeurs, et qu'il pouvait d'autant moins l'ignorer qu'une précédente crise sanitaire avait affecté ce secteur en 2005, et que les services de l'Etat avaient rappelé à sa société leur vigilance particulière à ce sujet et sollicité la mise en place d'un protocole complet de la gestion du risque relatif à la bactérie E.Coli 0157H7.Les juges ont également relevé que, dans cet arrêt, le juge pénal avait considéré que le gérant savait, d'une part, que les contrôles bactériologiques avaient été allégés, d'autre part, qu'en mai 2011 une mêlée potentiellement contaminée avait été libérée, et, qu'en conséquence, en mettant sciemment sur le marché un produit alimentaire potentiellement dangereux et sans faire réaliser les analyses qui s'imposaient, le gérant avait violé de façon manifestement délibérée les obligations de prudence et de sécurité prévues par le règlement CE n° 178/2002 du 28 janvier 2002, et sciemment trompé le distributeur et les consommateurs sur les risques inhérents à l'utilisation de la viande vendue, ainsi que sur les contrôles effectués.Ils ont retenu que le fait pour le gérant d'avoir ainsi sciemment violé les obligations de prudence et de sécurité s'imposant à la société qu'il dirigeait caractérise la faute dolosive au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, peu important qu'il n'ait pas recherché les dommages qui en ont découlé pour les consommateurs.Les juges en ont déduit que tant l'opération de retrait dont la prise en charge des frais est sollicitée que l'action judiciaire engagée contre le distributeur pour rupture brutale des relations commerciales trouvant leur origine dans une intoxication alimentaire résultant de la faute dolosive du gérant, représentant légal de l'assurée, l'exclusion légale et conventionnelle trouvait à s'appliquer et interdisait, en conséquence, au liquidateur judiciaire d'obtenir la mobilisation des garanties "frais de retrait" et "défense pénale et recours".
Dans un arrêt du 19 septembre 2024 (pourvoi n° 22-19.698), la Cour de cassation considère que la cour d'appel a, par ces motifs, fait ressortir que le gérant de la société avait sciemment mis sur le marché de la viande hachée sur laquelle il avait délibérément allégé les contrôles sanitaires et, ainsi, mis en évidence la conscience qu'il avait du caractère inéluctable du dommage qui s'ensuivrait, constitué par le retrait de ce produit.