Le Conseil constitutionnel juge que le législateur, lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à l’environnement, doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard.Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1015 du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue.
Les requérants reprochent à ces dispositions de ne pas garantir la réversibilité du stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs au-delà d’une période de cent ans, faisant ainsi obstacle à ce que les générations futures puissent revenir sur ce choix alors que l’atteinte irrémédiable à l’environnement, et en particulier à la ressource en eau, qui en résulterait pourrait compromettre leur capacité à satisfaire leurs besoins.Ces dispositions méconnaîtraient ainsi le droit des générations futures à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, ainsi que les principes de solidarité et de fraternité entre les générations que les requérants demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître.
L’article L. 542-10-1 du code de l’environnement fixe le régime applicable à la création et à l’exploitation d’un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs. I prévoit que le stockage de déchets radioactifs dans un tel centre est soumis à une exigence de réversibilité, mise en œuvre selon des modalités précises et pendant une durée minimale.
En permettant le stockage de déchets radioactifs dans une installation souterraine, ces dispositions sont, au regard de la dangerosité et de la durée de vie de ces déchets, susceptibles de porter une atteinte grave et durable à l’environnement.
Toutefois, en premier lieu, il ressort des travaux préparatoires que, en les adoptant, le législateur a entendu, d’une part, que les déchets radioactifs puissent être stockés dans des conditions permettant de protéger l’environnement et la santé contre les risques à long terme de dissémination de substances radioactives et, d’autre part, que la charge de la gestion de ces déchets ne soit pas reportée sur les seules générations futures. Ce faisant, il a souhaité poursuivre les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de protection de la santé.
En deuxième lieu, il résulte des termes mêmes de l’article L. 542-1 du code de l’environnement que la gestion des déchets radioactifs doit être assurée dans le respect de la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l’environnement et que la mise en œuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs doit prévenir ou limiter les charges qui seront supportées par les générations futures.A cette fin, l’article L. 542-10-1 du même code entoure la création et l’exploitation d’un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs de différentes garanties propres à assurer le respect de ces exigences.
D’une part, le stockage en couche géologique profonde de tels déchets doit garantir la capacité, pour les générations successives, soit de poursuivre la construction puis l’exploitation des tranches successives du stockage, soit de réévaluer les choix définis antérieurement et de faire évoluer les solutions de gestion. Cette réversibilité est mise en œuvre par la progressivité de la construction, l’adaptabilité de la conception et la flexibilité d’exploitation du stockage, et inclut la possibilité de récupérer des colis de déchets déjà stockés selon des modalités et pendant une durée cohérentes avec la stratégie d’exploitation et de fermeture du stockage.
D’autre part, la création d’un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs est soumise à une procédure d’autorisation particulière : - débat public préalable ;- demande d’autorisation faisant l'objet de différents rapports, avis et évaluation ;- fixation d'une durée minimale pendant laquelle, à titre de précaution, la réversibilité du stockage doit être assurée, cette durée ne pouvant être inférieure à cent ans ;- mise en place d'une phase pilote qui doit permettre de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation ;- délivrance de l'autorisation de mise en service complète de l’installation, à la condition que la réversibilité du centre de stockage soit garantie dans les conditions prévues par la loi.
En dernier lieu, la participation des citoyens est assurée tout au long de l’activité du centre de stockage par le biais d’une mise à jour, tous les cinq ans, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes et le public, d’un plan directeur portant sur son exploitation.
Ainsi, compte tenu de l'ensemble de ces garanties, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement tel qu’interprété à la lumière du septième alinéa de son préambule.Par conséquent, le Conseil constitutionnel juge, dans une décision n° 2023-1066 QPC du 27 octobre 2023, que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
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Transmission de QPC : environnement sain et fraternité entre générations - Legalnews, 8 août 2023