Le Comité consultatif national d’éthique ouvre la voie à une éventuelle législation, strictement encadrée, de l’assistance au suicide. Il réclame un débat national sur le sujet.En dépit de certaines limites relevant d'un décalage entre la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 (loi Claeys-Leonetti) et son application, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) estime que le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu’un pronostic vital est engagé à court terme, "offrant des dispositifs respectueux de la dignité des personnes atteintes de maladies graves et évoluées".
En revanche, certaines personnes souffrant de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances réfractaires, dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, mais à moyen terme, ne rencontrent pas de solution toujours adaptée à leur détresse dans le champ des dispositions législatives. Il en va de même des situations de dépendance à des traitements vitaux dont l’arrêt, décidé par la personne lorsqu’elle est consciente, sans altération de ses fonctions cognitives, n’entraîne pas un décès à court terme.Quoique peu fréquentes, ces situations amènent certains à rouvrir la réflexion sur l’aide active à mourir, s’appuyant sur l’expérience de pays ayant légalisé le suicide assisté ou l’euthanasie pour des patients dont le pronostic vital est engagé à moyen terme.
Ainsi, dans son avis 139 "Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité" rendu le 13 septembre 2022, le CCNE préconise tout d'abord de renforcer les mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs. Ceci suppose de soutenir l’expression anticipée de la volonté (désignation de la personne de confiance et directives anticipées), de favoriser le caractère interprofessionnel de la collégialité lors de la décision médicale d’arrêt de traitement, d’élargir la sédation profonde et continue au-delà des unités spécialisées.
Dans le cas où le législateur déciderait de légiférer sur l’aide active à mourir, le Comité indique qu'un certain nombre de critères éthiques devront être respectés. La demande d’aide active à mourir devrait être exprimée par une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée. La décision de donner suite devrait alors faire l’objet d’une trace écrite argumentée et serait prise par le médecin en charge du patient à l’issue d’une procédure collégiale rassemblant d’autres professionnels de santé. Laisser hors du champ de la loi ceux qui ne sont pas physiquement aptes à un tel geste soulèverait un problème éthique d’égalité entre citoyens : le CCNE laisse au législateur, le cas échéant, la responsabilité de déterminer alors la démarche la plus appropriée pour encadrer ces situations. Pour le Comité, les professionnels de la santé devraient pouvoir bénéficier d’une clause de conscience, accompagnée d'une obligation de référer le patient à un autre praticien en cas de retrait. Une telle loi, si elle était envisagée, devrait être évaluée régulièrement.
Enfin, prenant acte de l’extrême complexité du thème de la fin de vie qui fait se croiser représentations symboliques et spirituelles de la mort, peur et angoisses, le CCNE appelle de ses vœux l’organisation d’un débat national auquel il participera.