Les attestations et ordonnances utilisées pour se faire passer pour des clientes potentielles, ainsi que les devis, factures et feuilles de soins remis à la suite d’une mise en scène sont obtenus de manière déloyale et sont donc irrecevables comme preuves. L'Union des opticiens (UDO), syndicat professionnel ayant notamment pour mission de moraliser et défendre l'éthique de la profession des opticiens-lunetiers, a organisé la visite de "clients mystère" auprès de différents magasins d'optique, afin de vérifier l'éventuelle pratique frauduleuse consistant à falsifier les factures en augmentant le prix des verres et en diminuant corrélativement le prix des montures, pour faire prendre en charge par les mutuelles des clients une part plus importante du prix des montures. Se prévalant des témoignages de deux de ces "clientes", l'UDO a assigné la société N. en cessation des actes de concurrence déloyale et en paiement de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession.
La cour d’appel de Paris a déclaré irrecevables les deux attestations et a rejeté l'ensemble de ses demandes.Elle a constaté que les attestations produites par l’UDO ont été établies par des "clientes mystère" dont l'une, répondant aux questions qui lui ont été posées par un huissier de justice sur sommation interpellative, a indiqué qu'elle avait été mandatée par la société Q., spécialisée dans le recrutement de ce genre de prestataires, pour effectuer un scénario non réel dont le déroulement lui avait été dicté par la société Q., qu'une prescription pour une monture de lunettes de vue lui avait été établie pour l'occasion, alors qu'elle n'avait pas besoin de lunettes et qu'il s'agissait d'une mission rémunérée au taux horaire qui ne s'était pas limitée à la société N.La cour d’appel en a déduit que ces éléments démontrent que ce témoignage, comme celui de l'autre "cliente mystère", qui a exécuté la même mission dans les mêmes conditions, ont été obtenus par un stratagème caractérisé par le recours à un tiers au statut non défini pour une mise en scène.Or, en application de l'article 9 du code de procédure civile et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, la preuve obtenue par un stratagème se caractérisant par un montage, une mise en scène, une opération clandestine, est déloyale.
Dans un arrêt du 10 novembre 2021 (pourvoi n° 20-14.670), la Cour de cassation donne raison aux juges du fond.Le syndicat a eu recours à un stratagème consistant à faire appel aux services de tiers rémunérés pour une mise en scène de nature à faire douter de la neutralité de leur comportement à l'égard de la société N.La cour d'appel a donc exactement retenu que les attestations et ordonnances utilisées pour se faire passer pour des clientes potentielles, ainsi que les devis, factures et feuilles de soins remis à la suite de leur mise en scène, avaient été obtenus de manière déloyale et étaient donc irrecevables.