Un établissement de santé condamné par la juridiction judiciaire à indemniser la victime d'une contamination transfusionnelle peut exercer contre l'EFS une action subrogatoire en tant que co-auteur du dommage.
Une mutualité a demandé la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à la garantir des condamnations prononcées à son encontre par la juridiction judiciaire du fait de la contamination transfusionnelle par les virus de l'hépatite B et C dont une patiente a été victime au cours de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie et lors sa prise en charge.
Le 9 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa demande.Elle a retenu que le recours subrogatoire prévu par l'article L. 1221-14 du code de la santé publique à l'encontre de l'Etablissement français du sang n'était ouvert qu'au bénéfice des tiers payeurs énumérés à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985, au nombre desquels la requérante ne figure pas.
Le 9 novembre 2018, le conseil d'Etat annule cet arrêt.Selon la Haute juridiction administrative, l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige, permet aux victimes d'une contamination par le virus de l'hépatite B ou C résultant de la transfusion de produits sanguins d'être indemnisées par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) au titre de la solidarité nationale.Elle souligne que le même article prévoit que l'Oniam et les tiers payeurs qui ont, le cas échéant, également indemnisé la victime peuvent, même en l'absence de faute, exercer une action subrogatoire contre l'Etablissement français du sang, venu aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, sauf "si l'établissement de transfusion sanguine n'est pas assuré, si sa couverture d'assurance est épuisée ou encore dans le cas où le délai de validité de sa couverture est expiré".Elle précise que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un établissement de santé condamné par la juridiction judiciaire à indemniser la victime d'une contamination transfusionnelle exerce contre l'Etablissement français du sang, en tant que co-auteur du dommage, l'action subrogatoire dont il est détenteur en vertu des dispositions de l'article 1251 du code civil qui, dans sa rédaction applicable au litige, disposait que : "la subrogation a lieu de plein droit :/ (...) 3° Au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter".Le conseil d'Etat conclut que la mutualité, qui avait indemnisé la victime de la contamination transfusionnelle, pouvait à ce titre exercer un recours subrogatoire contre l'Etablissement français du sang en application de l'article 1251 du code civil. La cour administrative d'appel a donc commis une erreur de droit.
- Conseil d'Etat, 5ème et 6ème chambres réunies, 9 novembre 2018 (requête n° 413206 - ECLI:FR:CECHR:2018:413206.20181109), Mutualité Finistère et Morbihan c/ Etablissement français du sang (EFS) - https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000037599988&fastReqId=2098473444&fastPos=1
- Code civil, article 1251 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006437135&dateTexte=&categorieLien=cid
- Code de la santé publique, article L. 1221-14 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000019948718&dateTexte=&categorieLien=cid
- Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, article 29 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=FE2F6E9B907D3B8F92419BCCDE446237.tplgfr28s_1?idArticle=LEGIARTI000006839623&cidTexte=LEGITEXT000006068902&dateTexte=20181128