Appelé à statuer sur l’exception de compensation soulevée par le débiteur d’une société en liquidation, le juge ne peut, s’il estime cette exception fondée en raison de la vraisemblance de la créance connexe déclarée, qu’ordonner ou constater cette compensation à concurrence du montant de la créance tel qu’il sera éventuellement fixé par le juge-commissaire.
La société X., à laquelle la société Y. avait sous-traité la réalisation d’un lot sur un chantier de réhabilitation, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires. Le chantier ayant été réceptionné avec réserves, la société Y. a adressé à la société Z., liquidateur de la société X., un décompte général définitif faisant apparaître un solde négatif en défaveur de la société débitrice sous-traitante. La retenue de garantie de 5 % n’a pas été libérée au motif que son montant avait été utilisé pour payer les entreprises intervenues pour se substituer à la société X. Le liquidateur a assigné la société Y. pour obtenir sa condamnation à lui payer, ès qualités, la somme correspondant à la retenue de garantie.
Par un arrêt du 12 août 2016, la cour d’appel de Poitiers a débouté la société Z. Après avoir relevé que la société Y. a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur, la cour d’appel retient que le décompte général définitif adressé par cette société au liquidateur n’a pas été contesté par ce dernier dans le délai imparti par la norme Afnor applicable, de sorte que le solde arrêté par ce décompte détermine de manière définitive les droits des parties et que ce solde négatif étant supérieur au montrant de la retenue de garantie, il y a lieu d’accueillir la demande de compensation de la société Y.
Dans un arrêt du 28 février 2018, la Cour de cassation a partiellement invalidé le raisonnement de la cour d’appel de Poitiers. Elle estime qu’en statuant ainsi, alors que si elle pouvait retenir le principe de la compensation, en raison de la vraisemblance de la créance connexe déclarée par la société Y., la cour d’appel, qui ne devait ordonner la compensation qu’à concurrence du montant de cette créance à fixer par le juge-commissaire, sans pouvoir, en l’état, rejeter la demande en paiement de la retenue de garantie du liquidateur, a violé les articles 1289 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article L. 622-7 I du code de commerce.
– Cour de cassation, chambre commerciale, 28 février 2018 (pourvoi n° 16-25.328 – ECLI:FR:CCASS:2018:CO00160), société B. A. c/ société Jad organisation – cassation partielle de cour d’appel de Poitiers, 12 août 2016 (renvoi devant la cour d’appel de Bordeaux) – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036697208&fastReqId=546646999&fastPos=1
– Code civil, article 1289 (applicable en l’espèce) – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006437500&cidTexte=LEGITEXT000006070721
– Code de commerce, article L. 622-7 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000005634379&idArticle=LEGIARTI000006236627&dateTexte=&categorieLien=cid