En matière d’immunité d’exécution des Etats, les dispositions issues de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 impliquent de revenir à la jurisprudence antérieure qui subordonnent la validité de la renonciation par un Etat étranger à son immunité d’exécution, à la double condition que cette renonciation soit expresse et spéciale.
En exécution d’une sentence arbitral, une société, auprès de laquelle la République du Congo s’était engagée à renoncer définitivement et irrévocablement à toute immunité de juridiction et d’exécution, a fait pratiquer, entre les mains d’une banque, une saisie-attribution de comptes ouverts dans ses livres au nom de la mission diplomatique à Paris de la République du Congo et de sa délégation auprès de l’UNESCO.L’arrêt rendu le 15 novembre 2012 par la cour d’appel de Versailles a été cassé et annulé au motif que le droit international coutumier n’exigeait pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution dont bénéficient les missions diplomatiques des Etats étrangers pour le fonctionnement de la représentation de l’Etat accréditaire et les besoins de sa mission de souveraineté.
Dans un arrêt du 30 juin 2016, la cour d’appel de Paris a déclaré régulières les saisies pratiquées par la société. Elle a énoncé que le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution et qu’il ressort de la lettre d’engagement signée le 3 mars 1993 par le ministre des Finances et du Budget que la République du Congo a renoncé expressément à se prévaloir de son immunité d’exécution à l’égard de la société sur tous les biens susceptibles d’en bénéficier, qu’ils soient ou non affectés à l’accomplissement de la mission diplomatique.
La Cour de cassation annule l’arrêt le 10 janvier 2018.Elle estime qu’en statuant ainsi, la cour d’appel de renvoi s’est conformée à la doctrine de l’arrêt qui l’avait saisie.
Cependant, elle rappelle que la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 a introduit, dans le code des procédures civiles d’exécution, deux nouvelles dispositions.Selon l’article L. 111-1-2 de ce code, sont considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat à des fins de service public non commerciales les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’Etat ou de ses postes consulaires.Aux termes de l’article L. 111-1-3, des mesures conservatoires ou des mesures d’exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales qu’en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés.
Ces dispositions législatives, qui subordonnent la validité de la renonciation par un Etat étranger à son immunité d’exécution, à la double condition que cette renonciation soit expresse et spéciale, contredisent la doctrine isolée résultant de l’arrêt du 13 mai 2015, mais consacrent la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation précise que, certes, elles concernent les seules mesures d’exécution mises en oeuvre après l’entrée en vigueur de la loi et, dès lors, ne s’appliquent pas au présent litige. Toutefois, compte tenu de l’impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des Etats et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires, l’objectif de cohérence et de sécurité juridique impose de revenir à la jurisprudence confortée par la loi nouvelle.
En conséquence, la Cour de cassation annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris et confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 15 décembre 2011.
– Cour de cassation, 1ère chambre civile, 10 janvier 2018 (pourvoi n° 16-22.494 – ECLI:FR:CCASS:2017:C100003), République du Congo c/ société Commissions Import Export (Commisimpex) – annulation de cour d’appel de Paris, 30 juin 2016 – https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/3_10_38342.html
– Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033558528&fastPos=2&fastReqId=2003569061&categorieLien=cid&oldAction=rechTexte
– Code des procédures civiles d’exécution, article L. 111-1-2 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=AF5448C69BEB52EE971968F7B99B827D.tplgfr24s_3?cidTexte=LEGITEXT000025024948&idArticle=LEGIARTI000033563438&dateTexte=20180126&categorieLien=id#LEGIARTI000033563438
– Code des procédures civiles d’exécution, article L. 111-1-3 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=AF5448C69BEB52EE971968F7B99B827D.tplgfr24s_3?cidTexte=LEGITEXT000025024948&idArticle=LEGIARTI000033563440&dateTexte=20180126&categorieLien=id#LEGIARTI000033563440
– Cour de cassation, 1ère chambre civile, 13 mai 2015 (pourvoi n° 13-17.751 – ECLI:FR:CCASS:2015:C100481), société Commissions Import Export (Commisimpex) c/ République du Congo – cassation de cour d’appel de Versailles, 15 novembre 2012 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechExpJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030600444&fastReqId=836059245&fastPos=1